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Sport et société
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24 février 2016

Invincible, un film d'Angelina Jolie

Les sportifs auxquels nous nous sommes intéressés jusque là ont inscrit leur nom dans l'histoire de leur sport de prédilection. Certains, en s'investissant dans des associations caritatives ou en effectuant de courageux gestes symboliques, vont plus loin, et participent à l'amélioration de la société dans laquelle il vivent, jusqu'à lui permettre de progresser. Louis Zamperini, le sportif auquel nous nous intéressons maintenant, va plus loin encore : son parcours personnel se confond avec l'Histoire des États-Unis. Champion Olympique en 1936 et prisonnier de guerre des japonais de 1943 à 1945, il devient héros de guerre, symbole d'un patriotisme courageux, après avoir fait rêver la jeunesse américaine en tant que sportif. Son parcours est à ce point incroyable que Laura Hillenbrand raconte son histoire en 2012 dans son roman Invincible. Angelina choisit en 2014 d'adapter ce roman au cinéma dans un film éponyme. Louis Zamperini se retrouve alors personnage principal d'une oeuvre artistique, cumulant les nombreux sens du mot "héros". Retour sur ce film poignant.

Le film d'Angelina Jolie débute in medias res, de manière dramatique : Louis Zamperini est en mauvaise posture dans un avion qui survole le Japon. L'avion est touché et certains de ses camarades sont blessés. La proximité avec la mort suscite les souvenirs du jeune lieutenant.

Le spectateur se trouve alors plongé dans l'enfance de Louis, fils d'immigrés italiens, qui ne maîtrise pas vraiment la langue de son pays et est à ce titre souvent moqué. On le traite facilement de "métèque"*. Louis n'a alors rien d'un héros. Pour faire face à ses difficultés, bien qu'il soit très jeune, il fume, boit et se bagarre. Il est souvent contraint de courir pour fuir les élèves de sa classe qui le harcèlent. Son frère aîné fait partie de l'équipe de course de l'école. Lui croit en son petit frère et comprend assez vite qu'il a un talent hors du commun pour la course. De son côté, Louis ne croit en rien et affirme n'être capable de courir vite que s'il est poursuivi. Sa seule motivation semble donc de fuir et d'échapper au monde qui l'entoure. La persuasion et l'amour d'un grand frère peuvent faire des miracles. Lorsque cette graine de délinquant affirme à son frère qu'il n'y croit pas, ce dernier a une très belle réponse : "ce n'est pas grave, moi j'y crois pour deux." Le spectateur ne le sait pas encore, mais cette scène d'intimité fraternelle pendant laquelle le grand frère engage le plus jeune à courir et l'entraîne est fondatrice. Le frère de Louis lui explique que "celui qui gagne, c'est celui qui tient jusqu'au bout". Cette phrase prendra tout son sens au fil du film.

Le rythme du film s'accélère ensuite. Louis gagne et gagne encore. On dit de lui qu'il a "des ailes aux pieds" et on le surnome "la Tornade Vénitienne" en référence à ses origines italiennes. Il s'apprête à participer aux JO de Berlin qu'il envisage comme un entraînement pour son véritable objectif : les JO de Tokyo. Il ne le sait pas encore, mais ces JO seront annulés à cause de la guerre mondiale. Pourtant, Louis Zamperini aura plusieurs fois l'occasion de se rendre à Tokyo.

Retour dans l'avion : in extremis, les jeunes soldats parviennent à fuir, puis à atterrir malgré les avaries de l'avion, sauvant finalement leurs vies. Une nouvelle mission en avion s'annonce, de nouvelles difficultés se présentent et l'avion est contraint d'amerrir en plein milieu de l'océan Pacifique. Nouveau flashback, sur les JO de Berlin. Après un départ laborieux, Louis remonte péniblement ses concurrents. Il apprend "qu'un instant de douleur peut mener à une vie de gloire".

L'amerrisage forcé tue huit passagers sur les onze hommes à bord. C'est le début de 47 journées infernales pour les trois survivants, contraints de se laisser dériver sur un canot de sauvetage sommaire, dans un océan inamical. Les trois hommes récoltent l'eau de pluie, tentent de manger un goéland attrapé avec courage, mais qui s'avère dégoûtant, finissent par se nourrir de poissons crus. Ils luttent continuellement contre les requins, sont mitraillés à plusieurs reprises par des bombardiers japonais, essuient une tempête. L'un deux, McNamara, meurt le 33e jour.

Dans leur canot, les hommes tiennent. Celui qui gagne est celui qui tient jusqu'au bout.

La mise en scène très réaliste d'Angelina Jolie permet au spectateur d'admirer le courage des hommes. Au fil de leur périple, ils s'amaigrissent. Leurs côtes sont de plus en plus saillantes. Continuellement soumise à la morsure du soleil, leur peau rougit et brûle, se tanne et se marque. Le visage jusque là encore enfantin de Louis se creuse, seuls ses yeux clairs rappellent le jeune homme du début du film. Le spectateur en vient à se demander comment Angelina Jolie a pu amener l'acteur, Jack O'Connell à changer à ce point, à tant maigrir jusqu'à devenir ce corps martyrisé qui n'a plus rien d'athlétique. La réalisatrice multiplie les plans. Très rapprochés, ils nous montrent les visages affaiblis des rescapés, tandis que les plans larges marquent la petitesse de la fragile embarcation au regard de l'immensité de l'océan.

La fin du périple sur l'océan Pacifique marque le début d'un autre calvaire. Louis et son camarade Philipps sont capturés par les japonais qui tentent en les maltraitant de leur extirper des informations. Battus, affamés, ils sont ensuite séparés, puis envoyés dans des camps de prisonniers.

Balottés d'un camp à l'autre, maltraités, ils tiennent. Celui qui gagne est celui qui tient jusqu'au bout, celui qui ne relâche pas son effort.

Angelina Jolie développe particulièrement la relation étonnante que Louis vit avec le chef de l'un des camps, le sergent Watenabe, que les prisonniers surnomment "l'Oiseau". Ce Watenabe déteste Louis Zamperini depuis le premier jour de son arrivée au camp, alors que le jeune homme ose soutenir son regard. Les brimades succèdent aux coups et aux humiliations. "Tu es comme moi, nous sommes forts" lui explique l'Oiseau, si bien que l'on comprend que c'est justement cette force, cette ténacité et ce courage, qui sont insupportables au chef de camp et qu'il lui faut à tout prix anéantir. L'Oiseau apprend que Louis est un athlète olympique et cette nouvelle décuple sa haine. Il multiplie les coups et les humiliations, impose à Louis de courir contre les gardiens bien nourris du camp, le frappe au visage de sa canne en bois. Tenté de se rebeller, pourquoi pas même de tuer son bourreau, Louis est arrêté par l'un de ses camarades de détention qui lui explique qu'il sera instantanément fusillé s'il agit ainsi. "On gagne en survivant jusqu'au bout" explique le jeune homme, faisant ainsi écho aux propos du frère de Louis. Celui qui gagne, celui qui arrive au bout, c'est celui qui tient le coup. La ténacité du sportif et celle du héros résistant dans le camp se confondent alors. Dans tous les cas, il s'agit de tenir et de survivre et c'est ce mantra* qui rythme tout le film : "si je tiens, c'est gagné".

Louis Zamperini fait ainsi preuve d'un courage qui ne faiblit jamais. Lorsqu'on lui propose un transfert dans un hôtel confortable s'il accepte de parler péjorativement de son pays à la radio japonaise, il refuse. Lorsque Watanabe lui impose de tenir une poutre en bois à bout de bras au-dessus de sa tête alors qu'il est épuisé, il puise au fond de lui-même la force de réussir : il tient.

Ironie du sort, Louis Zamperini se trouve un moment détenu à Tokyo, cette ville qu'il aurait dû connaître en 1940 pour des JO qui n'eurent jamais lieu. Le spectateur apprendra à la fin du film que ce n'est que partie remise : en 1988, quatre jours avant son 81e anniversaire, Louis Zamperini participera au relais de la flamme olympique dans le cadre des JO d'hiver de Nagano, passant à seulement quelques kilomètres de l'un des camps dans lesquels il avait jadis été détenu dans des conditions inhumaines.

Le Japon finit par capituler dans les atroces conditions que l'on sait et Louis rentre chez lui. Il retrouve sa famille et embrasse la terre de son pays. Les images du film se confondent alors avec des photos d'archive qui montrent le "réel" Louis Zamperini embrasser les siens sur le tarmac. Cette cohabitation de la fiction et de la réalité apporte évidemment du pathétique aux retrouvailles, mais Angelina Jolie a la décence de ne pas s'y arrêter trop longtemps : le film n'a pas besoin d'émotions faciles, le spectateur est déjà fasciné et ému.

Le film d'Anglina Jolie se termine par l'évocation de la vie réelle de Zamperini après la guerre, à l'aide d'un texte déroulant sur un écran sombre. On y apprend qu'après plusieurs années où il subit un stress post-traumatique important, Louis Zamperini se marie et fonde une famille, puis réalise un important travail sur lui-même qui l'amène à pardonner à ses anciens bourreaux. Lors de son voyage au Japon pour le relais de la flamme olympique, il leur rendra visite en prison. Seul Watanabe, alors emprisonné pour crimes de guerre, refusera de le recevoir. 

Ainsi Louis Zamperini nous apparaît-il comme un héros dans tous les sens du terme. Doté de qualités hors du commun, notamment une intense volonté, il peut facilement se constituer modèle de toute une jeunesse qui peut l'admirer et s'identifier à lui. Il incarne des valeurs fortes, celle du courage, bien sûr, de la constance, du patriotisme et de la résistance également, mais sa capacité à pardonner achève de faire de lui un personnage définitivement hors-norme, si bien qu'on peut se demander si ce n'est pas là son héroïsme le plus admirable : pardonner à ceux qui ont tenté de lui faire perdre toute humanité par des humiliations et des coups.

Le film d'Angelina Jolie nous permet également  de comprendre comment un sportif ou un héros se construisent. Dans le cas de Louis, il a fallu que quelqu'un croie en lui, son frère, et qu'un objectif simple et unique l'habite : tenir jusqu'au bout. 

On peut ainsi facilement noter que le sportif comme le héros se construisent aussi dans le regard bienveillant de l'Autre. 

Antoine G.

INVINCIBLE Bande Annonce VF (Angelina Jolie - 2015)

Le film, en quelques informations...

Titre : Invincible

Durée : 2h17min.

Nationalités : Américain

Réalisateur: Angelina Jolie Pitt

Date de sortie : 7 janvier 2015

Acteurs principaux : Jack O'Connell, Domhnall Gleeson, Garett Hedlund

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