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Sport et société
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23 février 2016

Courir, un livre de Jean Echenoz

Après s'être intéressé à Maurice Ravel dans l'oeuvre éponyme, Jean Échenoz, avec Courir, signe une biographie romancée du coureur de fond Émile Zatopek. Échenoz nous invite à cheminer avec Émile Zatopek pendant une quinzaine d'année, des années 1930 à la fin des années 60. À travers le portrait de cet homme extraordianaire qui commence sa vie professionnelle comme ouvrier fabricant de chaussure dans la grande usine Bata, Jean Échenoz nous raconte ausi l'histoire de la Tchékoslovaquie, un pays de l'Est au coeur de la tourmente historique.

Le roman s'ouvre sur la dure vie de travailleur menée par Émil Zatopek. Échenoz porte un regard plein de compassion sur cette douloureuse vie de travailleur dans un pays pauvre.C'est seulement à la fin de l'adolescence qu'Émil Zatopek se met à courir et se découvre un incroyable talent. La manière de courir d'Émile Zatopek n'est pourtant pas classique. Il se donne tout entier à sa course et laisse l'effort défigurer son visage. Il est alors facilement reconnaissable, grimaçant et souffant, comme le note Échenoz : "Il y a des coureurs qui ont l'air de voler, d'autres qui ont l'air de danser, d'autres paraissent défier, certains semblent assis sur leurs jambes. il y en a qui ont juste l'air d'aller le plus vite possible où on vient de les appeler. Émil, rien d etout cela. Émil, on dirait qu'il creuse ou qu'il se creuse, comme en transe ou comme un terrassier. loin des canons académiques et de tout souci d'élégance, Émil progresse de façon lourde, heurtée, torturée, tout en à-coup. Il ne cache pas la violence de son effort qui se lit sur son visage, crispé, tétanisé, grimaçant, continûment tordu par un rictus pénible à voir." La légende se bâtit ainsi auteour de ce sportif reconnaissable entre tous, entier dans l'effort, semblant souffrir en permanence.

En 1939, le IIIe Reich envahit la Tchékoslovaquie. Émile, âgé de 17 ans, est engagé dans un cross de la Wehrmacht*. C'est sa première course officielle. Il ne cessera jamais de courir, inlassable et passionné. Mais son destin est aussi lié à celui de son pays, un pays d'Urope Centrale qui n'existe que de 1918 à 1992, créé à l'issue de la première guerre mondiale à partir de territoires austro-hongrois. Nous ne rentrerons pas en détail dan l'histoire très complexe de la Tchékoslovaquie, mais retenons tout de même qu'à la fin de la guerre, Émil Zatopek sympathise avec les troupes russes. Après la Libération, il entre dans l'armée pour effectuer son service militaire. Il s'y entraine et progresse et finit par embrasser une carrière militaire. En 1947, il gagne sa première course d'importance, les Jeux Interalliés et s'entraîne de plus en plus jusqu'aux Jeux Olympiques de Londre, en 1948, dans lesquels il montre son courage exemplaire au monde entier. 1950 est l'année des records.

Courir montre aussi à quel point il est complexe à cette époque d'être athlète dans un pays de l'Est. Les visas sont difficiles à obtenir dans des pays où la liberté n'est pas à l'honneur. Les victoires sont instrumentalisées par la propagande communiste tchèque. les communistes prennent en effet le pouvoir en 1948. Un régime totalitaire s'instaure, avec culte de la personalité et élimination des oposants démocrates.

La carrière d'athlète de Zatopek s'achève en 1956. Suite à desproblèmes de santé, les résultats ne sont plus au rendez-vous. Zatopek devient colonel.

En 1968, Zatopek choisit de soutenir Dubcek lors du Printemps de Prague, qui tente d'humaniser le Socialisme. L'État, qui  demeure sécuritaire et liberticide, ne pardonne pas à Émil Zatopek d'avoir fait ce choix. Zatopek est relevé de ses fonctions. Pendant 6 ans, l'athlète est contraint d'exercer des métiers manuels. Il ne sera réhabilité qu'en 1975.

Échenoz nous transporte ainsi dans la vie de Zatopek et nous montre le travail difficile réalisé par l'athlète.  À l'armée, Émile cumule les exercices physiques imposés à tous, la poursuite d'études, auxquels il ajoute son entraînement sur la piste  :

"ça démarre plutôt bien même si la vie n'est pas si rose à l'Académie, mais bon, Emile fait ce qu'on lui dit de faire, étudie ce qu'on lui dit d'étudier, ne manque pas un jour d'exercice. Sauf que lui, quand les autres aspirants se reposent, se met en tenue de sport et va s'entraîner, ce qui porte encore ses fruits "

Le narrateur donne l'impression de connaitre intimement Émil Zatopek, bien qu'il ne l'ait pas personnellement rencontré.  Tout au long du livre il raconte l'histoire à la  troisième personne du singulier mais lorsqu'il présente les faits historiques,  il personnifie la ville de Prague en s'adressant à elle, ce qui offre au récit une portée dramatique :

"Prague où, ces années-là, tout le monde a peur, tout le temps, de tout le monde et de tout, partout. Dans l'intérêt supérieur du Parti, la grande affaire est maintenant d'épurer, démanteler, écraser, liquider les éléments hostiles. La presse et la radio ne parlent que de ça, la police et la Sécurité d'Etat s'en chargent."

Dans le roman, Emile suit ses rêves et ne laisse personne réellement l'en empêcher. Il n'hésite pas à s'engegr dans l'épreuve du marathon, nouvelle pour lui, même si cela implique un risque au niveau de sa santé. Zatopek refuse quelque traitement que ce soit lors de sa troisième épreuve aux Jeux Olympques d'Helsinski :

"Émile passe à nouveau son maillot rouge pour prendre le départ du marathon. Ses entraîneurs officiels s'y opposent mais lui se fout autant des entraîneurs que des médecins, masseurs, agents, diététiciens ou préparateurs physiques, de toute cette cour dont il n'a pas besoin. Il y va."

Émile incarne lÀ une valeur importante, celle d'une volonté et d'une détermination sans égal. Même lorsque tout le monde s'oppose à sa participation au marathon, il y va quand même, et gagne. Il n'est pas aussi épuisé que les autres coureurs et se voit récompensé par une troisième médaille d'or. Il incarne une volonté de fer, nourrie par les entraînements réguliers. L'auteur montre même que pour Zatopek, l'épreuve n'est rien d'autre qu'un entraînment unpeu particulier? zatopec est étranger à la pression. 

"Emile, diront ses comtempteurs, n'a même pas remporté le marathon : il s'est juste livré à une de ses bonnes vieilles séances d'entraînement."

Pourtant, Zatopec multiplie les épreuves et les enchaîne sans une plainte.

A travers ce roman, Émile Zatopek incarne des valeurs classiques du coureur et de tout athlète. Il montre sa capacité à surmonter des épreuves difficiles. Constamment confronté aux décisions de son gouvernement pour se rendre à l'étranger, Zatopek ne connait pas le doute et ne se décourage jamais. Même dans les moments difficiles, qu'il s'agisse des entraînements ou des épreuves, Émile atteint toujours son objectif, grâce à une volonté inébranlable et une détermination sans limite. En ce sens, il incarne les valeurs d'un héros. Lorsqu'il s'engage pour un monde meilleur en soutenant Dubsek en 1968, il en accepte les terribles conséquences. en ce sens aussi, l'on peut dire qu'Émile Zatopek est un héros, porteur devaleurs fortes, susceptibles de fédérer son peuple. Son héroïsme lui permet également d'accèder au statut de héros d'une oeuvre littéraire. Pour toutes ces raisons, Zatopek, magnifié par Jean Échenoz, a donc toute sa place dans notre Dossier Spécial. 

Tiago C.

TombeZatopek

Tombe d'Émile Zatopek, par I. Krokodyl

 

Bio express Jean Echenoz : 

Date de naissance : 26 décembre 1947  

Nationalité : française

Activité principale : Romancier, Journaliste

Oeuvres principales : Je m'en vais ; Cherokee

 

Bio express Emile Zatopek :

Date de naissance : 19 septembre 1922

Date de mort : 22 novembre 2000

Nationalité : Tchecoslovaque

Activité : Athlète, spécialiste dans les courses de fond. Invaincu pendant 6 ans (de 1948 à 1954), détenteur de 8 records du monde différents, inventeur de la "course fractionnée". Il a reçu médaille de L'Ordre du Lion Blanc, la plus haute distinction accordée par la République Tchèque. Il est couronné au Panthéon del'athlétisme du IAAF en 2012.

Performances : record d'Europe puis du monde aux 5 000 et aux 10 000 mètres, record de l'heure, médaille d'or aux JO, marathon.

Surnom : La locomotive tchèque, le tchèque bondissant

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