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Sport et société
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23 février 2016

Le courage face à l'oppression

Quittons un moment le monde du football pour nous intéresser à celui l'athlétisme...

Si, comme nous venons de le voir, les footballeurs et leurs supporters s'opposent en nombre à la misère et au racisme, l'athlète, lui, est seul dans l'arène pour porter des couleurs de son pays et de ses convictions. Parvient-il à trouver les moyens de faire porter sa voix solitaire ?

Parmi les principaux Jeux Olympiques* ayant marqué les esprits, l’histoire retiendra sûrement ceux de 1936. En effet, alors que Hitler*, au pouvoir depuis 1933 dans une Allemagne désormais nazie, prône la supériorité de la race aryenne et établit une dictature totalitaire, un valeureux athlète américain à la peau noire, Jesse Owen, défie le Chancelier en remportant trois médailles d’or. Ce dernier, furieux de voir Jesse Owen devancer son favori, le bel aryen Lutz Long, dont l'amitié indéfectible pour Jesse Owens exaspère le Führer, quitte sa loge avant la remise des médailles.

Trente-deux ans plus tard, deux autres athlètes choisissent à leur tour de s’opposer à la ségrégation américaine en brandissant un point ganté de noir au moment de monter sur le podium. Il s'agit de John Carlos et Tommie Smith.

luz_jesse

Jesse Owen et Luz Long. Dans The Completebook of the Summer Olympics, David Wallechinsky rapporte que Luz Long fut le premier à féliciter Owens après sa victoire au saut en longueur. Au sujet de son amitié avec Lutz, Owens écrit : "On peut fondre toutes les médailles et les coupes que j'ai gagnées et elles ne seraient que du plaqué en comparaison avec l'amitié 24 carats que j'ai ressentie pour LuzLong à ce moment-là."

Retour en détail sur ces actes courageux

Jesse Owens, athlète des Olympiades de Berlin en 1936, remporte quatre médaille dorées. Il remporte aisément sa série qualificative en 10,3 s., devançant de sept mètres le japonais Sasaki aux 100 m. Quelques heures plus tard, il bat son propre  record de une seconde, mais le vent, trop favorable - il atteint les 2,3 m. par seconde alors que la limite maximale autorisée est de 2 m. par seconde - empêche la validation de ce temps. Il obtient aussi l’or en saut en longueur, au 200 mètres et au relais 4 x 100 m.

On a beaucoup glosé sur l'histoire des victoires de Jesse Owens. Dans cette période douloureuse, les sensibilités sont exacerbées et il est tentant de faire de chaque victoire un acte héroïque. Contrairement à ce qui a pu être dit, Adolph Hitler n'a pas demandé au public de huer Owens lors de ses réussites. Le Führer n'a pas non plus refusé de serrer la main de Owens. L'Allemagne n'a pas été insultée par cette victoire. Au contraire, les allemands faisant partie du public étaients ravis de voir la réalité tenir tête à l'idéologie. Le journaliste français Weber rétablit la vérité dans son article sur Jesse Owens et raconte que les allemands ont acclamé l'athlète de tous leurs poumons. Jesse Owens, de son côté, a eu le triomphe modeste. Face au Führer, pas de réaction débordante : il se contente de saluer Hitler de la tête. Le président Roosevelt, en revanche n'a pas contacté Owens pour le féliciter. Il ne lui a pas envoyé aucun télégramme, comme c'est l'usage pour féliciter un atlhète de la délégation nationale.

Ainsi se plait-on parfois à réécrire l'histoire pour la rendre encore plus belle. De nos jours Owens demeure néanmoins une légende. Il symbolise l'humble victoire des minorités, sur ceux qui se prétendent des surhommes.

Jesse-Owens


Qu'en est-il des coureurs Tommie Smith et John Carlos ?

Trente-deux années ont passé.
16 octobre 1968, Jeux Olympiques de Mexico, remise des médailles du 200 m.
Trois athlètes s'apprêtent à vivre un moment historique : ils vont protester avec insolence contre la ségrégation raciale en vigueur dans leur pays.

Juste avant de monter sur le podium, les deux coureurs américains retirent leurs chaussures pour souligner la pauvreté de la communauté noire. Smith porte un foulard noir, qui rappelle les lynchages des sudistes. Sous le maillot ouvert de Carlos, on peut voir un collier noir, qui rappelle la condition d'esclave du peuple noir. Lorsqu'ils montent sur le podium, Smith et Carlos lèvent le poing en signe de protestation contre les injustices dont sont victimes de nombreux américains à cause de leur seule couleur de peau. Les deux athlètes gardent la tête baissée pendant tout le temps que résonne dans le stade l'hymne américain. Symboliquement, les deux athlètes marquent le fait qu'ils ne sont pas considérés dans leur pays comme des américains à part entière, à égalité avec tant d'autres qui eux, ont la peau claire. En effet, à cette époque, la ségrégation* bat son plein aux Etats-Unis. Depuis de nombreuses années, la communauté noire lutte pour obtenir des droits équivalents à ceux de la communauté blanche. L'assassinat du pacifiste Martin Luther King le 4 avril 1968 a créé des tensions et a plongé les États-Unis dans un climat de violence.

Pourtant, les deux coureurs à la peau noire n'ont pas peur, ce qui n'empêche pas cet acte de bravoure héroïque d'être tristement sanctionné. Suite à ce geste, les deux athlètes sont en effet forcés de quitter les Olympiades. Ils perdent leurs médailles et seront privés de Jeux Olympiques à vie. Ainsi en a décidé le président du CIO, Avery Brundage.

Aujourd'hui, cet acte courageux est considéré comme héroïque. Des gymnases portent le nom des deux coureurs américains. À l'université de San José, une statue rappelle ce geste courageux.

SmithCarlosMexico

Podium du 200 m. - JO de Mexico (1968)

La troisième personne se tenant debout sur ce podium est l'australien Peter Norman. Lorsque les deux athlètes américains exposent à Norman leur projet, celui-ci leur aurait répondu ces quatre mots : "I'll stand by you" (Je serai à vos côtés). Au moment de monter sur le podium, Smith réalise qu'il a oublié sa paire de gants. C'est Norman qui a l'idée de proposer aux deux athlètes noirs de prendre chacun un gant, le droit pour Tommie Smith et le gauche pour John Carlos. À son retour en Australie, Norman est à son tour sanctionné par un bannissement de deux ans. Il a en effet porté avec fierté le badge Olympic Project For Human Rights, (Projet Olympique pour les Droits de l'homme, ou OPHR), qui marque son désacord avec la ségrégation raciale pratiquée aux États-Unis.

D'autres athlètes noirs-américains tel que Lee Evans, Larry James ou Ronald Freeman, relayeront ce geste pendant ces JO historiques.

Après la mort de Norman en 2006, les deux coureurs Tommie Smith et John Carlos se rendent à  son enterrement. Ce sont eux qui portent le cercueil.

Coffin of Norman

Tommie Smith à gauche et John Carlos à droite, lors de l'enterrement de Peter Norman

Ces évènements resteront dans l'histoire comme le "Black Power Salute", en référence au Black Power, terme qui recouvre les positions des divers mouvements qui dans les années 1960 et 1970, luttent contre la ségrégation raciale aux États-Unis.

Ainsi, à 25 ans, ces trois athlètes marquent-ils l'histoire du sport, mais aussi l'Histoire tout court, en permettant à la cause des noirs d'avancer. S'ils ont payé très cher leur courage, ils sont aujourd'hui devenus des héros, modèles incontestés de toute jeunesse qui a foi en l'égalité de chaque homme.

Tiago C.

1968 Olympics 100m & 200m (Black Power Salute)

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