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Sport et société
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24 février 2016

Retour sur l'épopée des Verts

12 mai 1976. L'AS Saint-Etienne vient de s'incliner (1-0) face au club allemand du Bayern Munich en finale de la Coupe d'Europe des Clubs Champions. Un dénouement cruel pour un club qui fait vibrer la France depuis plusieurs années. Disputée à Glasgow, cette rencontre est le point d'orgue d'une belle période de succès pour les Stéphanois.
Une période qui a rassemblé tous les Français derrière une seule et même équipe.
Une période qui a fait la gloire du club forézien.
Une période qui a commencé en 1957.

Saint-Étienne est alors un club comme les autres. Fondée par l'homme d'affaire Pierre Guichard, l'ASSE (Association Sportive de Saint-Étienne) évolue en première division française et commence à peine à côtoyer le haut du classement. C'est au printemps que l'histoire débute. Le 19 mai 1957, les Stéphanois sont champions de France pour la première fois de leur histoire. Ils disputent quelques mois plus tard leur première rencontre de Coupe d'Europe. La légende est en marche. En 1962, l'ASSE remporte la Coupe de France, mais descend dans le même temps en deuxième division. Elle remonte dès l'année suivante avant d'être de nouveau sacrée championne de France, dans la foulée, en 1964.

Le titre suivant intervient trois ans plus tard, en 1967. Champions de France pour la troisième fois de leur histoire, les Stéphanois sont ensuite sacrés en 1968, 1969 et 1970, réussissant ainsi une série inédite de quatre titres consécutifs. En 1968 et 1970, ils remportent également la Coupe de France et réalisent donc le doublé Coupe-Championnat.

Après trois saisons blanches (1971, 1972, 1973), l'ASSE retrouve les sommets en remportant deux nouveaux doublés en 1974 et 1975. Elle connaît par ailleurs sa première grande aventure européenne, toujours en 1975. Après un superbe parcours, elle échoue en demi-finale de la Coupe d'Europe des Clubs Champions face au... Bayern Munich ! C'est à cette époque que naît le surnom "Les Verts", inspiré de la couleur du maillot des Stéphanois, une couleur qui va enflammer la France dès l'année suivante, l'année 1976 étant considérée comme la plus mythique de l'histoire de l'ASSE. 

En effet, les Stéphanois sont sacrés champions de France pour la neuvième fois de leur histoire et vont surtout marquer les esprits en Coupe d'Europe des Clubs Champions. Ils éliminent successivement Copenhague (Danemark), les Glasgow Rangers (Ecosse), le Dynamo Kiev (Ukraine) et le PSV Eindhoven (Pays-Bas) pour arriver en finale. Les Verts séduisent la France entière et bénéficient à chaque match du soutien inconditionnel de leur public. Le Stade Geoffroy-Guichard, où l'ASSE dispute ses matches à domicile, gagne d'ailleurs le surnom de "Chaudron", pour l'ambiance bouillonnante qui y règne. Le jour de la finale, tous les médias - radios, chaînes de télévision, presse écrite - ne parlent que du match. 30 000 supporters stéphanois débarquent à Glasgow pour encourager leur équipe. Impressionnés, les Ecossais se rangent de leur côté. Ce soir-là, tout le stade d'Hampden Park est derrière l'ASSE.

Epopée 1976 Les supporters stéphanois sont venus nombreux.

Donnés favoris avant la rencontre, les Verts dominent la première période. Mais le destin choisit son camp à la 34e minute. Le stéphanois Dominique Bathenay efface plusieurs adversaires avant d'expédier un missile qui vient mourir... sur la barre transversale du gardien allemand Maier. Cinq minutes plus tard, c'est Jacques Santini qui, de la tête, trouve... la barre, à nouveau. Or, il se trouve que les poteaux du stade Hampden Park ne sont pas ronds mais bel et bien carrés. La légende des "poteaux carrés" vient de naître.

L'ASSE a beau tout tenter, la chance sourit au Bayern et l'inévitable ne va pas tarder à se produire. Coup-franc pour les Allemands. Beckenbauer décale Franz Roth qui ouvre le score d'une frappe puissante (1-0). Les Bavarois prennent l'avantage et, malgré un public entièrement acquis à la cause stéphanoise, le score ne bougera plus. L'épopée des Verts s'achève ici.

ASSE Bayern Les Verts ne parviennent pas à trouver la faille dans la défense allemande.

L'Equipe 1976 La Une du journal L'Equipe au lendemain de la finale.

Inconsolables, les joueurs sont accueillis en héros le lendemain à Paris. 100 000 personnes se pressent sur les Champs-Elysées et les Stéphanois sont reçus par le Président de la République, Valéry Giscard d'Estaing. Ce triomphe paraît presque démesuré, puisque l'ASSE a perdu. Mais le peuple français tenait à fêter ses héros.

Sur le terrain, la finale perdue marque la fin d'un cycle. Les Verts remportent la Coupe de France en 1977 et sont champions de France en 1981 pour la dixième fois de leur histoire (un record toujours en cours), et la dernière à ce jour. En 1982, l'affaire de la "caisse noire" éclate. Le président Roger Rocher retenait de l'argent depuis plusieurs années sur les recettes de la boutique et de la billetterie afin de pouvoir conserver ses meilleurs joueurs. Les Stéphanois descendent ensuite en deuxième division et ne côtoieront plus jamais les sommets. Ils ont néanmoins repris des couleurs ces dernières années. 5e en 2013, 4e en 2014 et 5e en 2015, l'ASSE a récemment retrouvé la Coupe d'Europe et a même remporté la Coupe de la Ligue, une nouvelle compétition, en 2013. 

Après tout ce temps, le souvenir de l'épopée de 1976 a perduré. L'aventure stéphanoise a véritablement marqué les esprits durant plusieurs années. Alors que les rivalités entre clubs se multiplient aujourd'hui, l'ASSE possédait à l'époque tout un pays derrière elle. On parlait alors de "fièvre verte". À l'échelle continentale, les exploits des Verts en Coupe d'Europe enchantaient tout le pays tandis qu'à l'échelle nationale, les confrontations avec le grand FC Nantes étaient toujours très attendues, les deux équipes ayant pris l'habitude de se disputer chaque année le titre de champion de France.

Les Stéphanois ont donc occupé une place de héros auprès des fans de football français. En rassemblant différentes classes sociales et plusieurs générations de supporters, ils ont su faire oublier tous les petits conflits quotidiens de la société. Un tel succès nous amène forcément à nous poser certaines questions. L'impact des exploits des Verts aurait-il été le même si ces derniers avaient battu le Bayern ? Si les poteaux avaient été ronds ? Mais les poteaux étaient carrés et cela a apporté une petite note dramatique à la légende de l'ASSE.

Mais pourquoi les Verts ont-ils à ce point rassemblé la France entière, quand aujourd'hui, une équipe comme le PSG, qui règne de façon incontestable sur le championnat de France, ne fédère pas grand monde au-delà de la capitale ?

Pour trouver des éléments de réponses à cette question, il importe de s'intéresser au contexte historique et social des années 1970. Lorsque l'ASSE remporte ses premières victoires, la France vit la fin des "trente glorieuses", ces années de croissance économique inédite pendant lesquelles la France se reconstruit après la seconde guerre mondiale. Cette période de grands progrès économiques et sociaux voit aussi triompher la société de consommation. Le premier choc pétrolier de 1973 provoque une crise économique qui introduit durablement en France un fléau : le chomage. Les politiques d'austérité se poursuivent pour tenter d'endiguer un fléau qui plonge de nombreuses familles dans des difficultés économiques graves. Des trente glorieuses aux années d'austérité qui les suivent, une population est particulièrement touchée par la nécessité de fournir des efforts importants pour vivre dans des conditions décentes, il s'agit de la classe ouvrière. La ville de Saint-Étienne, qui s'est développée sur l'exploitation de son bassin houiller, compte une classe ouvrière importante et courageuse. Cette ville croît dans l'ombre de la deuxième ville française, Lyon, ville de culture et de Lumière. Des footballeurs de l'ASSE, on a souvent dit qu'ils ne craignaient pas de "mouiller le maillot". Prêts à tout pour vaincre, ils travaillent sans relâche pour triompher, sans jamais baisser les bras. Peut-on s'étonner que toute la population ouvrière de Saint-Étienne se retrouve dans cet acharnement à la tâche ? Quand les joueurs, par leur volonté, leur témérité et leur constance bousculent leurs limites, c'est toute une ville qui espère et rêve avec elle, et bientôt, tout un pays, qui, en pleine lutte des classes, s'identifie à cette "petite" équipe venue titiller et dépasser les plus grands, refusant d'accepter sa condition. Le PSG d'aujourd'hui appartient désormais à un homme d'affaire du Qatar, Nasser Al-Khlaïfi, qui pilote le club avec une fortune personnelle qui lui permet "d'acheter" les meilleurs joueurs du monde. Comment la population française pourrait-elle s'identifier à ces joueurs carriéristes et à ce club sans histoire ? 

Par ailleurs, l'épopée des Verts s'épanouit au moment où la télévision entre dans les foyers. Pour la première fois, les enfants peuvent suivre à la télévision les matches de l'équipe montante. Depuis leur foyer, ils peuvent prendre part à la fête, goûter l'ambiance du stade, admirer les gestes incroyables qui offrent de belles victoires. La dimension esthétique du football est alors à portée de regard : sur le petit écran, un grand nombre de passionnés peut communier avec ses pairs dans un même enthousiasme.

Pour aller plus loin, nous vous invitons à lire notre point historique sur les années 70 et la lutte ouvrière.

En plus d'avoir rassemblé la France entière, l'épopée des Verts a été une véritable source d'inspiration pour les artistes. En 1976, inspiré par les exploits du club forézien, le chanteur Jacques Bulostin, Monty de son nom de scène, écrit une chanson nommée "Allez les Verts !". Elle a eu un grand succès dans toute la France et, aujourd'hui, n'importe quel supporter stéphanois connaît le célèbre refrain par coeur, "Qui c'est les plus forts ? Évidemment c'est les Verts !".

Le groupe de musique Mickey 3D a quant à lui composé une chanson rendant hommage au buteur néerlandais Johnny Rep, attaquant de l'ASSE entre 1979 et 1983. Cette chanson, sobrement intitulée "Johnny Rep", évoque l'un des matches de Coupe d'Europe des Verts, pendant lequel Johnny Rep avait marqué trois buts à lui tout seul. De son côté, le journaliste Bernard Lions a publié en octobre dernier un livre nommé "La légende des Verts par ceux qui l'ont écrite" et qui raconte l'histoire de l'ASSE à travers de nombreux témoignages et petites anecdotes.

Livre Bernard Lions

Dans le centre-ville de Saint-Etienne, il est possible d'aller prendre un café au bistrot "Le Glasgow" et de déjeuner au restaurant "Les Poteaux Carrés". Enfin, le club a inauguré en décembre 2013 son propre musée. Situé au sein même du Stade Geoffroy-Guichard, le Musée des Verts pemet de venir admirer des maillots, fanions, ballons et autres objets ayant fait la légende des Verts, comme par exemple les fameux poteaux carrés de 1976, rachetés par les dirigeants stéphanois peu avant l'ouverture du musée. De quoi rendre un bel hommage à l'histoire d'un club qui conservera toujours une place à part dans le coeur des supporters français.

Antoine G.

Les joueurs clés : 

- Meilleur buteur de l'histoire de l'ASSE : Hervé Revelli, 216 buts (1966-1971 puis 1973-1978)

- Joueur ayant disputé le plus de matches avec l'ASSE : René Domingo, 533 matches (1949-1964)

- Joueur de l'ASSE ayant été sélectionné en Équipe de France le plus de fois : Georges Bereta, 41 fois (1966-1974)

Les trois entraîneurs qui ont marqué l'histoire : 

- Jean Snella, 3 titres (1950-1959 puis 1963-1967)

- Albert Batteux, 5 titres (1967-1972)

- Robert Herbin, 7 titres (1972-1983) 

Les trois plus grands exploits de l'ASSE en Coupe d'Europe : 

- 1969, 16e de finale --> match aller : Bayern Munich 2-0 ASSE / match retour : ASSE 3-0 Bayern Munich.

- 1974, 8e de finale --> match aller : Hajduk Split (Yougoslavie) 4-1 ASSE / match retour : ASSE 5-1 Hajduk Split.

- 1976, quart de finale --> match aller : Dynamo Kiev (Ukraine) 2-0 ASSE / match retour : ASSE 3-0 Dynamo Kiev.

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Commentaires
C
Je viens de découvrir le livre "La légende des Verts par ceux qui l'ont écrite" à la fnac, stéphanoise et mariée à un ex Vert, quelle ne fut pas ma surprise de lire au détour d'une page que Monsieur Tibeuf tient des propos diffamatoires à l'égard de mon mari qu'il juge "moins fort et moins collectif" que Monsieur El Hadaoui! Philippe Titeuf a le droit de penser ce qu'il veut mais il n'a pas le droit d'être aussi arbitraire et injurieux envers un ex coéquipier...Mohamed Chaouch a évolué plusieurs années dans le championnat de France, a participé à la montée en ligue 1 de l'OGC Nice et a remporté une coupe de France avec cette même équipe, il a également disputé plusieurs coupe d'Afrique et une coupe du monde dans laquelle il a inscrit un but. Qu'en est-il de monsieur Titeuf?<br /> <br /> Je suis outrée d'une telle attitude où sont les belles valeurs du sport d'équipe et surtout celles chères à l'ASSE? il n'honore en rien ce prestigieux club avec de telles déclarations!
P
Après tout ce que les Verts ont fait dans le passé, c’est dommage de les voir prendre la porte de sortie après avoir disputés seulement un ou deux matchs en Ligue Europa :(
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